Immobilier : la grande inconnue du coronavirus
Retour 30 / 03 / 2020 Actualité

Immobilier : la grande inconnue du coronavirus

Les derniers signaux de l'activité immobilière dans l'ancien avant sa mise à l'arrêt par l'épidémie de Covid-19 n'étaient pas positifs.

 

Un marché de l’ancien déstabilisé

Dès le mois de décembre dernier, la demande a commencé à fléchir : les incertitudes nées de la réforme des retraites et le durcissement des conditions d’octroi des crédits voulu par la Banque de France ont progressivement écarté du marché les candidats à l’achat d’un logement ancien. En outre, beaucoup d’établissements avaient choisi d’adapter avec quelques semaines d’avance leurs offres commerciales aux nouvelles exigences formulées par les autorités de contrôle des banques.

Et depuis le début de l’année, l’activité du marché de l’ancien recule. En février, le nombre de compromis signés baisse de 4.2 % sur un an (en niveau trimestriel glissant) : en outre, le repli s’est amplifié au cours des deux derniers mois, avec – 7.5 % sur janvier et février (en glissement annuel). La perte de dynamisme d’une offre de crédits contrainte par les décisions de la Banque de France explique cela : le nombre de prêts à l’ancien accordés au cours des trois derniers mois a baissé de 7.8 %, d’après l’Observatoire Crédits Logement/CSA.

La contraction de la demande devrait alors se renforcer d’ici l’été : outre la réduction des offres bancaires en cours depuis la fin de l’année dernière, les conséquences de la pandémie du Covid-19 seront importantes.. La récession économique qui s’avance, l’impact sur le pouvoir d’achat et le moral des ménages, … tout va peser sur le marché de l’ancien.

 

Des marges de négociation au plus bas

En février 2020, France entière, la marge de négociation s’est établie à 4.0 %, en moyenne : 3.3 % pour les appartements et 4.6 % pour les maisons.

Les marges restent donc au plus bas, à des niveaux jamais observés par le passé. Comparées à leur moyenne de longue période, elles se sont inférieures de près de 15 % sur le marché des maisons et de plus de 25 % sur celui des appartements.

Sur les marchés des grandes agglomérations où l’offre de biens disponibles à la vente est structurellement insuffisante, le fléchissement de la demande ne paraît pas encore suffisant aux vendeurs pour qu’ils révisent leurs ambitions en termes de prix. Ailleurs, même si les difficultés d’accès au crédit contribuent à l’affaiblissement de la demande et au dérèglement du marché, les acheteurs préfèrent toujours renoncer à leur pouvoir de négociation des prix affichés dans un contexte de raréfaction de l’offre associé à une moindre mobilité des ménages.

 

Recul des ventes dans 60 % des régions

Dans plus de 60 % des régions, les ventes reculent à un rythme qui se renforce depuis le début de l’année.

Le repli de l’activité est de l’ordre de 10 % lorsque la hausse des prix qui se poursuit contrarie la réalisation des projets de ménages confrontés au durcissement des conditions d’octroi des prêts : cela se constate en Aquitaine, en Bretagne, en Languedoc-Roussillon et en Midi-Pyrénées. Mais aussi dans le Nord-Pas de Calais, dans les Pays de la Loire ou en Poitou-Charentes, même si la pression sur les prix y est encore moins forte.

Dans d’autres régions où le marché a bénéficié jusqu’à la fin de 2019 d’une bonne tenue de l’accession à la propriété rendue possible par le dynamisme de l’offre bancaire, le recul des ventes n’est encore que de 5 % : dans le Centre, en Haute Normandie, en PACA, en Picardie et en Rhône-Alpes. Et parfois, l’activité réussit à se stabiliser (Basse Normandie et Lorraine).

Ailleurs l’activité augmente encore. Notamment dans les régions où les prix n’ont que lentement augmenté au cours des dernières années (Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche Comté et Limousin) : le relèvement des taux d’apport personnel exigés par les banques est moins pénalisant pour la demande.

 

Persistance des écarts de prix entre les métropoles

Entre les métropoles les moins chères (Brest, Grand Nancy ou Rouen Normandie) et celle du Grand Paris, l’écart de prix est de 1 à 3.5 pour les appartements anciens. En revanche, il se réduit sensiblement, de 1 à 2, si la comparaison se fait avec les métropoles de Bordeaux, Lyon et Nice. Les différences de prix sont bien sûr à l’image du potentiel de développement économique des territoires et des niveaux de revenus des ménages résidants. Elles expriment aussi la rareté des biens disponibles dans le centre des métropoles, leur qualité et/ou les services qui leur sont associés (transports, équipements publics, commerces, …), comme cela se constate par ailleurs sur le niveau des prix pratiqués. Néanmoins, elles ne reflètent pas toujours la qualité de vie constatée sur chacun des territoires (tranquillité, proximité de la nature, cadre de vie urbain et paysager, …). La prise en compte de l’attractivité territoriale qui tient compte de l’environnement et du cadre de vie est de nature à modifier le constat.

En général, les prix sont plus élevés dans la ville-centre que sur le reste de la métropole. La surcote de la ville-centre est la plus forte pour Paris (30 % pour les appartements et 50 % pour les maisons). Puis viennent Bordeaux, Lyon et Rouen (20 % pour les appartements et les maisons), exprimant encore une forte attractivité de l’espace central. Sur Nantes, Strasbourg ou Toulouse, la surcote se situe entre 10 % pour les appartements et 20 % pour les maisons, exprimant encore une bonne attractivité de l’espace central. Alors qu’avec moins de 10 % d’écart, Lille et Nancy présentent un espace métropolitain apparemment plus homogène.

En revanche, la ville-centre reste moins chère que le reste de la métropole à Brest (voire à Marseille et à Montpellier pour les seuls appartements) : la demande qui y exprime ses préférences pour un habitat en maison individuelle (versus l’habitat collectif) cherche à s’éloigner de la ville-centre.

 

Immobilier : la grande inconnue du coronavirus

Mais depuis le 16 mars, le secteur immobilier a été contaminé par le Covid-19. Du verrou aux portes des agences à la pause des signatures par les notaires, toute la chaîne transactionnelle est grippée. Plus rien ne bouge. Et tous les acteurs se demandent comment le marché résidentiel réagira à la sortie de crise.

« Pas d'effondrement, mais une baisse du prix des logements est inévitable », avance Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut de management des services immobiliers. « Mais il faut distinguer les territoires », abonde Marie-Hélène Pero, porte-parole du Conseil Supérieur du Notariat. « Les grandes métropoles ne vont pas dévisser de manière importante, car la hausse des prix ces dernières années n'était pas liée à une spéculation mais un renforcement de leur attractivité », explique la notaire.

Dans les marchés tendus, comme Paris et les grandes agglomérations, « une correction de 5 % est à attendre, parce que ceux qui ont les moyens d'y prétendre seront moins impactés par la crise », détaille Henry Buzy-Cazaux.

 

Marché à deux vitesses

« Ailleurs dans le pays, la baisse pourrait être double, sachant que ces territoires n'ont pas une attractivité aussi forte et que leurs habitants y ont des revenus moindres, avec un risque que la crise les ait davantage fragilisés », poursuit le président de l'Institut de management des services immobiliers.

La crise pourrait alors renforcer les distorsions d' un marché immobilier déjà à deux vitesses . « Dans les petites villes et les zones rurales en mal d'attractivité, où les prix stagnaient déjà depuis plusieurs années, la crise pourrait frapper plus durement », avance Thomas Gjerbine, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales

 

Psychologie des ménages

Le risque, pour le marché, c'est que l'attentisme de la part des acquéreurs ne s'ancre dans le temps. « Alors que tout était prêt, un investisseur locatif a dû repousser son projet d'acquisition, faute de pouvoir mettre son bien à louer », raconte Marie-Hélène Pero.

« Quand toutes les conditions sont réunies, nous continuons à réaliser les actes authentiques. Mais la chute du nombre de transactions reste inévitable », explique la notaire. Ce sont seulement 2.000 actes authentiques qui sont passés quotidiennement contre 15.000 en temps normal, selon Jean-François Humbert, président du CSN.

« Dans un contexte d'incertitude économique, les ménages repoussent logiquement leur projet d'achat immobilier, surtout les primo-accédants », détaille Thomas Gjerbine. Une lente paralysie pourrait ainsi frapper le marché et renforcer une baisse des prix face à une chute de la demande. « Sans pour autant aller jusqu'au krach », ajoute l'économiste.

 

Capacité de financement

Le facteur central à surveiller sera celui de la solvabilité des ménages, c'est-à-dire de leur capacité à financer un achat immobilier. « Si le taux d'épargne des Français reste élevé et que les taux d'emprunt demeurent au plancher, la casse devrait être limitée », juge Pierre Schoeffler de l'Institut de l'épargne immobilière et financière.

A condition que les banques continuent de prêter et que le resserrement du crédit observé depuis le début de l'année se corrige. « La solvabilité des acquéreurs sera maîtrisée par les mesures de soutien, déjà à l'oeuvre, des salariés et des indépendants. Bien sûr, tout cela s'entend avec un confinement qui ne durerait pas plus de cinq ou six semaines encore », estime Henry Buzy-Cazaux.

 

Publication mars 2020

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